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Pêche à l’aimant – Un effet de mode, une réelle solution ou un danger ?

TRIBUNE – par Mickael GUIO, plongeur Odysseus 3.1 et entrepreneur dans les solutions de traitement des eaux

En seulement quelques mois, la pêche à l’aimant est devenue très populaire. Riverains, pêcheurs, écologistes convaincus, nombreux sont ceux qui s’essaient à cette pratique. Et pourtant, ne comptez pas dessus pour remplir votre marmite 😉 En effet, cette pêche consiste à jeter un puissant aimant dans le lit d’un cours d’eau ou d’un lac afin d’en remonter toute sorte d’objets métalliques. Un procédé de dépollution qui a donc le vent en poupe, mais est-ce réellement une solution sans danger ?


Pêche à l'aimant fond du lit du rhône
Opération de repêchage des trottinettes dans le Rhône – Photo © NatCordeaux

La pêche à l’aimant, de la chasse au trésor à l’écologie

Pratiquée depuis des dizaines d’années, la pêche à l’aimant permet de récupérer des objets ferromagnétiques perdus dans les fonds subaquatiques à l’aide d’un aimant  puissant et parfois très lourd (jusqu’à 400 kgs). 

Au départ, le “jeu” consistait pour quelques amateurs à trouver un “trésor”, de vieilles pièces de monnaies, des objets rares et précieux (…) Mais le lit des fleuves, des rivières et des lacs regorgeant de plus en plus d’objets polluants, il suffit d’un peu d’observation, d’une bonne paire de gants, d’une corde et d’un aimant pour remonter des vélos, trottinettes, électroménager, pièces de voitures (…) On assiste ainsi à une démocratisation de cette pêche simple et peu coûteuse comme solution de dépollution.


pêche à l'aimant trottinettes dans le Rhône
Photo © NatCordeaux

Une pêche réglementée

Il faut savoir que pour pratiquer la pêche à l’aimant, vous devez avoir l’autorisation des services de l’État, propriétaire des biens sous marins, sans quoi, elle est considérée comme illégale et l’auteur risque des sanctions.

En effet, très récemment, le Ministère de l’Intérieur – via sa Direction Générale de la Sécurité Civile et de la Gestion des Crises – a rappelé aux préfets de départements les risques de cette pratique, la comparant à celle de la détection d’objets enfouis. Depuis, certains préfets ont publié des arrêtés interdisant ce type de pêche, d’autres ont simplement fait un rappel à la législation en vigueur.

Où sont les dangers de la pêche à l’aimant ?

Le plus grand danger pour l’homme et l’environnement vient de ce que l’on peut remonter avec ces aimants, et en premier lieu, des munitions et obus… Il me semblerait donc prudent de limiter ce type d’interventions à des secteurs dépourvus de munitions et les laisser sous la responsabilité de professionnel (service de déminage).

En effet, il n’est pas rare que, parmi les objets remontés, les adeptes de la pêche à l’aimant ressortent des obus et autres munitions immergées (pour certaines de manière volontaire par les autorités lors des sorties de guerres). 


Pêche à l'aimant munition lac Léman
Munitions découvertes lors d’une plongée dans le lac Léman – Photo © Franck LBRUN

Ces obus représentent des risques très importants : après plusieurs dizaines d’années passées dans l’eau, ces armes sont devenues instables. Sous l’effet de la corrosion, les produits chimiques (agents toxiques) peuvent fuir et être très dangereux pour l’homme mais aussi pour l’environnement. Si on ajoute à cela le risque d’explosion, une fois ces produits en contact avec l’oxygène de l’air (auto inflammation) ainsi que la réaction amplifiée par la présence de sel dans l’eau, le pêcheur à l’aimant prend un risque d’exposition considérable lors de la manipulation.

Il est bien évident que nos fleuves, canaux, lacs et rivières doivent être débarrassés de ces stigmates du passé. Mais c’est à nos responsables politiques de prendre leurs responsabilités. Surtout, en cette période de risques terroristes, ces obus peuvent être détournés pour une action malveillante.

Plonger pour dépolluer, un choix environnemental


Pêche à l'aimant plongeur Odysseus 3.1
Opération de nettoyage du Rhône – Photo © NatCordeaux

La pêche à l’aimant est un sujet qui revient souvent dans nos échanges avec le public. Quand l’un de nous évoque notre opération sentinelle des 109 trottinettes repêchées dans le Rhône par exemple, on nous demande pourquoi ne pas l’avoir utiliser pour en remonter encore plus. 

C’est aussi un choix environnemental : tirer tous ces objets métalliques au bout d’une corde abîme la flore des fonds subaquatiques. D’ailleurs, il n’y a pas que des herbiers à protéger sous l’eau mais également des câbles et réseaux installés (notamment dans les rivières ou fleuves qui traversent les villes) et là aussi qu’il y a un danger

Plonger, évaluer l’objet à remonter et le remonter à la seule force des bras est certes plus fatigant mais tellement plus responsable… Pour moi, la pêche à l’aimant est une technique à employer quand on a une excellente visibilité, si on est seul au bord ou en “appui” avec une ou plusieurs personnes en eau si la “délicatesse” s’impose.


Remontée des trottinettes repêchées dans le Rhône – Photo © NatCordeaux

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