par Patrick Paduano, membre Odysseus 31 et retraité de la SNCF
Depuis plus d’un an désormais, notre monde vit au ralenti… Quelles qu’en soient les origines, et alors même que nous en subissons les conséquences aussi bien sur notre santé que sur nos libertés individuelles, qui s’interroge réellement sur les origines de ces zoonoses à répétition ? Devons-nous continuer à remplir un seau percé de toutes parts ou accepterons-nous enfin de voir la réalité en face ? Alors que nous approchons les 8 milliards d’humains sur une planète arrivée au bout de ses capacités, qui peut encore croire au caractère purement idiopathique de cette pandémie ? Non, ces virus ne sont pas venus à nous… Nous sommes bel et bien aller les chercher !
Qu’est ce qu’une zoonose ?
Certaines maladies sont transmissibles de l’être humain à l’animal (vaches, cochons, volailles, rats…) et vice versa. Elles peuvent se transmettre directement par contact, mais aussi par la consommation de produits d’origine animale (œufs, lait, viande…). C’est ce qu’on appelle les zoonoses.
Nous savons que 60 % des quelques 1400 agents pathogènes contaminants pour l’humain sont d’origine animale. Cette tendance s’est très nettement accélérée ces dernières années, et désormais, 75% de nos maladies infectieuses émergentes sont d’origines animales…
Les animaux qui nous ont infectés, ne sont pas venus à nous, nous sommes allés les chercher …
Ibrahim Thiaw (Secrétaire exécutif, Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification)
Quelles en sont les causes ?
Nous nous rapprochons beaucoup trop des virus… Nos incursions dans ces écosystèmes nous font côtoyer de plus en plus d’espèces animales dites « réservoirs » de ces virus… Les multiples interactions entre animaux (sauvages, domestiques mais aussi d’élevage) et les humains, engendrées par cette proximité, permettent à ces virus de s’adapter à de nouveaux systèmes immunitaires… Les nôtres.
Les principales causes retenues par le programme environnemental des Nations Unies (PNUE) sont les suivantes :
Agriculture et élevages intensifs
Très tôt, l’élevage a joué un rôle dans l’émergence de nouvelles pathologies chez l’humain. Au néolithique (environ 12 000 ans) l’apparition de l’élevage a entrainé la transmission aux hommes de pathogènes initialement présents dans le bétail comme la variole, la diphtérie ou encore rougeole (…)
Dès qu’un virus peut pénétrer au sein de ces élevages et se reproduire sur un animal, c’est banco… Il s’adaptera et se reproduira sur tous les animaux. Potentiellement, ce sont de véritables bombes que nous fabriquons…
Serge Morand – (Chercheur CNRS, Parasitologie, Ecologie de la santé)
Résistance aux agents anti-microbiens
En France, 38 % des ventes d’antibiotiques sont destinés aux élevages. 95 % de ces antibiotiques sont destinés aux animaux que nous consommons et 5 % sont destinés à nos animaux de compagnie. Dans notre pays, l’antibiorésistance tue trois fois plus que les accidents de la route…
Le rapport aux animaux
Changement climatique, commerce d’animaux sauvages, déforestation, réattribution des terres…
Aujourd’hui, nous détruisons les lieux de vies des animaux sauvages à un rythme effréné. Prenons ne serait-ce que la déforestation (ensemble des pratiques et processus conduisant au recul irréversible des surfaces couvertes de forets au profit d’activités non forestières), les superficies forestières ne cessent de décliner : la foret a perdu presque 100 millions d’hectares sur la planète en 20 ans. Ces pertes s’expliquent en grande partie par la conversion des forets en terres agricoles destinées aux cultures ou aux pâturages.
Un inventaire accablant
Mettons maintenant un nom sur ces zoonoses avec quelques exemples, parmi tant d’autres, ayant défrayé la chronique ces dernières années (liste malheureusement non exhaustive) :
- Ebola (fièvre hémorragique) 28 épisodes depuis 1976, mortalité de 25 à 90 %
- Nipah (troubles respiratoires sévères, tiens ça ne vous rappelle rien ? ) 1999, mortalité supérieure à 70 %
- VIH. Et oui, beaucoup l’ignorent encore, mais le virus du Sida a été reconnu comme étant une zoonose.. Son origine VIS (Virus Immunodeficience Simienne), provenant des grands singes camerounais, aurait franchi la barrière des espèces lors de chasses, dépeçages et vraisemblablement par la consommation de viande de brousse.
- Grippes aviaires et porcines (infections respiratoires aigües), importante variabilité génétique et très grande facilité de mutation (tiens, là aussi, cela ne vous rappelle rien, les fameux « mutants » actuels ? ). Elles sont à l’origine des plus grandes catastrophes du siècle passé :
Grippe Espagnole H1N1 en 1918 avec plus de 50 millions de morts
Grippe Asiatique H2N2 en 1957
Grippe de Hong Kong H3N2 en 1968
Grippe Porcine de 2009
SRAS… MERS…etc… - Creutzfeld Jakob (dite « maladie de la vache folle ») en 1980 dont l’origine sont les farines animales
- Covid 19 ou Sars-Cov 2 (CoronaVirusDisease 2019) dont les investigations sont en cours. Parmi les hypothèses avancées, on retrouve celle de la chauve-souris (en tant que « réservoir », comme pour d’autres zoonoses), du pangolin, et plus récemment, celle des chiens viverrins ou encore des visons, élevés en intensif pour l’industrie de la fourrure.
La pandémie due au SARS-CoV-2 n’est pas une surprise. Les émergences de maladies infectieuses s’accélèrent depuis déjà plusieurs années. L’agriculture en est une des causes, car c’est bien souvent à travers les activités agricoles que se développent de nouvelles interfaces entre la faune sauvage, qui est un réservoir à virus, les animaux domestiques et les êtres humains.
Serge Morand – (Chercheur CNRS, Parasitologie, Ecologie de la santé)
Alors même qu’il serait possible de vacciner certaines espèces, les abattages massifs restent la règle… Mais pour quelles raisons ? Tout simplement pour protéger les contrats d’exploitations … La réglementation OIE interdit l’exportation d’œufs et de viande aviaire, vaccinés contre l’Influenza hautement pathogène…
Rappel : un poulet sur deux consommé en France est importé́ (source FranceAgriMer). Il est donc étrange de laisser proliférer un virus et d’abattre préventivement des centaines de milliers d’oiseaux juste pour continuer à exporter…
Quelles alternatives pour demain ?
Comprendre (et admettre), l’origine du mal est une priorité.
De plus en plus de voix s’élèvent contre certaines pratiques d’élevages et de consommation. J’avais, pour ma part, déjà abordé le sujet de la surconsommation de produits d’origines animales, ainsi que le fait que cela ne soit point indispensable, lors d’un article précédent. Vous y trouverez, si besoin, les liens nécessaires. Plus que jamais, il importe de tout faire afin de sanctuariser notre souveraineté alimentaire :
Aujourd’hui, nous savons que la destruction de la biodiversité nous mène droit à une catastrophe sans précédent. Mettre un terme à l’élevage intensif devrait être LA priorité actuelle… Comme combattre la déforestation par tous les moyens à notre disposition et respecter des espaces de vies dédiés aux animaux sauvages….
Cette zoonose, s’il en est besoin, tend à nous rappeler l’importance et les conséquences de nos actes présents et passés, dans un avenir bien trop proche. Elle doit résonner comme un ultime avertissement, soit nous changeons soit… Mais mieux vaut éviter d’en arriver là, nous en avons tous la capacité.
Soyons tous éco-responsables, mais plus seulement dans nos pensées et nos paroles… C’est bien à nous tous qu’il appartient désormais de transformer cette épreuve, afin d’en ressortir encore plus forts et plus déterminés que jamais… Nul ne sait s’il n’est pas déjà trop tard, mais nous tous savons que ceux qui baissent les bras ont déjà perdu…
Il vient une heure ou protester ne suffit plus… Après la philosophie, il faut l’action
Victor Hugo
Liens et références
Pour pousser plus en avant votre réflexion, je ne saurais que trop vous conseiller la lecture du document ci-dessous :
Retour sur une épidémie annoncée (Serge Morand)
Zoonose – des animaux aux hommes
Des zoonose à l’antibiorésistance, les futures bombes à retardement
AGROPOLY Vers un développement solidaire
Covid 19, le chainon manquant
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