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Lionel RARD, portrait du fondateur d’Odysseus 3.1

Interviewer Lionel RARD, c’est se préparer à un marathon narratif ! Une plongée en apnée de presque quatre heures dans de belles histoires, ponctuées de mises en scène et de rires mais rarement de silences… Ces échanges n’ont fait que confirmer ce que nous soupçonnions déjà : le fondateur d’Odysseus 3.1 marche à l’adrénaline, est passionné et passionnant, riche d’expériences un peu folles et d’idées bien affirmées !  
Installez-vous confortablement, et bonne lecture !


portrait de Lionel RARD
Photo © Franck LEBRUN – Seaskymotion.com

Bonjour Lionel, tu es le Président d’ODYSSEUS 3.1 mais pas que… Peux-tu nous présenter tes multiples facettes ?
champagny en vanoise

J’ai eu la chance de vivre mon enfance dans un environnement naturel privilégié, en Savoie, balloté entre Chambéry et Champagny-en-Vanoise, entre la ville et la montagne. Je passais de la « mobylette » au snowboard, du goudron au chemin de randonnée, du silence de la montagne au bruit de la ville avec autant de plaisir.

Une double culture également de par la profession de mes parents : un père charpentier et une mère enseignante. La nature et la transmission… Vous voyez où je veux en venir ? 😉



« J’ai ainsi acquis une double culture, urbaine et montagnarde »

J’ai pratiqué beaucoup de sports en club – escalade, foot, ski, surf, tennis – pour lesquels j’avais des brevets fédéraux. Je me rêvais champion du monde… ou prof ! Je suis donc entré à l’UFR STAPS de Grenoble où je me suis perdu entre la Nintendo 64, les filles, la guitare et Oasis. Puis, avec l’envie de recadrer l’homme aux cheveux orange que j’étais devenu, j’ai choisi d’effectuer mon service militaire… où je me suis retrouvé… moniteur de ski pour l’Armée de l’Air (oui, ça existe !).



« Mon parcours professionnel a été construit sur l’audace et les bonnes rencontres »

J’ai ensuite enchaîné différents métiers. J’étais capable de confectionner moi-même un uniforme quand celui de l’entreprise ne me plaisait pas ! [NDLR devinez qui est en charge du flocage textile d’Odysseus 3.1 ?] . Et puis un jour j’ai rencontré Pierre, agent immobilier. Notre collaboration a commencé par un « n’oubliez pas que vous prenez la place de quelqu’un ! », il est devenu mon mentor, un second père et plus tard j’ai racheté son entreprise.

Qu’est-ce qui fait se lever Lionel RARD le matin ?

Tant de choses… Se lever le matin, c’est déjà se sentir vivant. Mais poser le premier pied par terre en se souvenant de ce qui a été réalisé la veille et en imaginant ce que l’on va faire aujourd’hui, ce n’est plus simplement être vivant, c’est être acteur ! Acteur de sa vie, de son futur, du changement, de l’engagement… Alors je me lève pour ça, être dans l’action, et pour mes filles, les voir grandir, les voir s’épanouir.  Et tout ça donne du sens à ma journée.


Glacialis-Lionel-Rard
Photo © Franck LEBRUN – Seaskymotion.com

Justement, si ce matin je te propose d’être quelqu’un d’autre le temps d’une journée ou de passer une journée avec une personnalité, qui aimerais-tu être ou rencontrer ?

J’ai une longue liste de personnes que j’aurais voulu rencontrer… De Jean Moulin à Jules Verne, en passant par Les Beatles ou le Commandant Cousteau. Mais je crois que, par-dessus tout, j’aurais aimé passer ne serait-ce qu’une journée avec Nelson Mandela dont j’admire le courage, l’abnégation et cette capacité à pardonner pour mieux fédérer et bâtir. Madiba… Cet homme a toujours su rester digne, confiant et il a accompli tellement de choses dans un contexte si complexe et explosif. J’aurais sans doute beaucoup appris à ses côtés.

Portrait Lionel RARD
Restons dans le domaine des « si »… 
Si demain, le génie d’une lampe t’offrait la réalisation de 3 vœux en faveur de la Planète, qu’y-aurait-il sur ta liste ?
  • Que tous les conflits militaires cessent, sources de malheurs humains et de désastres écologiques
  • Que l’air et les sols redeviennent les mêmes qu’il y a 150 ans, à l’époque préindustrielle (et tant qu’à faire qu’ils ne bougent plus)
  • Qu’on arrête (là, maintenant et pas dans 20 ans), la production de plastique
Passons des vœux idéalistes à la législation concrète, si tu pouvais faire voter une loi pour protéger la Nature, quelle serait-elle ?

Sans hésiter, ma première loi concernerait nos toilettes ! Parce que franchement, chi** dans de l’eau potable est une aberration !! Les économiseurs d’eau des chasses ne sont là que pour nous donner bonne conscience, il n’en demeure pas moins que c’est de l’eau potable ! Il faut à tout prix imposer le procédé (qui existe !) pour que cette eau provienne d’une source recyclée, comme l’eau du bain ou de la vaisselle.

« Je ferais voter une loi pour donner une valeur juridique à l’écocide
et j’inscrirais l’écologie comme matière obligatoire à l’école »

La première partie serait accompagnée de l’obligation de formation des agents municipaux pour que la verbalisation ne soit plus une éventualité mais une évidence. La seconde déboucherait sur un permis écologique citoyen.

Quelle est ta plus grande peur pour notre planète ? Et à l’inverse, quels sont tes espoirs ?

J’ai peur de l’indifférence… Elle gagne du terrain. Nous sommes arrivés à un stade où l’on s’habitue à la pollution. Nous passons devant chaque jour sans réagir. Parfois il suffit de se baisser pour ramasser un papier, le mettre à la poubelle, et ainsi éviter qu’il ne finisse dans la Saône ou le Rhône. Pourtant, combien passeront par-dessus sans le faire ?
Cela ne m’empêche pas d’avoir foi en l’humanité, je fonde beaucoup d’espoir dans les graines qu’on plante, la génération future.

« Nous sommes à un tournant aujourd’hui, entre prise de conscience et indifférence
mais nous prenons ce virage trop lentement ! »

J’ai hâte que l’évolution trouve son équilibre et je pense que cela ne se fera qu’en passant par l’adaptation de notre système économique. Je prends souvent pour exemple la façon dont nous avons su changer notre modèle économique et bousculer nos habitudes pendant la seconde guerre mondiale. Nous avons (ré)agi très rapidement pour faire face à la guerre. Pourquoi ne sommes-nous pas capables de prendre de telles décisions devant l’urgence de la protection de la Nature ?
Il est plus que temps de mettre en place un système d’urgence !

A ton avis, quelle est l’innovation la plus importante en matière de protection de l’environnement aujourd’hui ?

Je déteste le mot « environnement », je lui préfère « nature », tout simplement, si évidemment d’ailleurs. Cela me rappelle les siècles passés où l’obscurantisme régnait sous le joug de la religion, en plaçant l’Homme au centre de l’Univers et ce dernier qui tournait autour. L’Homme est Nature. Il fait partie d’elle, ni plus ni moins. En respectant toutes les espèces, il se respectera lui même.

Pour revenir à l’innovation, je ne vais pas parler directement d’innovation matérielle mais de quelque chose qui nous concerne tous : la prise de conscience. Savoir que nous « allons dans le mur » et mettre en place des indicateurs pour tenter de l’éviter. Comprendre la dissociation nécessaire des énergies (fossile donc épuisable vs renouvelable) ou l’instauration d’un « jour du dépassement » (moment de l’année où l’on a dépensé la totalité des ressources annuelles de la Terre) par exemple, sont comme des compteurs de voiture que nous devons impérativement observer.

« La Nature est source d’innovation ! »

Elle apporte bien souvent la solution… si on veut bien l’écouter. Cette matière qu’est le bio-mimétisme vient en apporter l’exemple chaque jour :

  • La peau de requin a inspiré les combinaisons de natation ou le vernis pour le fuselage des avions
  • Du bec du martin-pêcheur on a tiré le design du nouveau TGV japonais
  • Le moustique lui est à l’origine des aiguilles médicales indolores
  • Et les éoliennes ont des pales qui ressemblent fortement aux nageoires des baleines non ?
Tout à l’heure tu nous parlais de tes filles. On imagine aisément que tu leur transmets des valeurs qui te sont chères… Au quotidien, quels gestes pour la planète leur as-tu appris ? Comment introduis-tu la protection de l’environnement dans leur éducation ? 

Photo © Lionel RARD

J’ai deux petites filles en effet. La cadette a deux ans et demi et est encore trop petite pour être véritablement impliquée. Comme tous les enfants de son âge, elle aime jouer avec l’eau, donc nous lui avons donc appris que l’eau n’est pas un jeu, qu’on ne la regarde pas couler pour rien, qu’on l’éteint en se lavant les dents, etc.

Son petit geste à elle au quotidien (à moins que cela ne soit de la culpabilité 😉 ) c’est de jeter dans la poubelle tout ce qu’elle casse (et elle casse beaucoup). Notre prochaine étape sera très certainement de lui apprendre le tri sélectif pour nous éviter de repasser derrière elle.

L’aînée qui vient d’avoir huit ans et est déjà plus impliquée. Elle me suit souvent dans nos opérations et elle vient de vivre son baptême de plongée. J’étais fier d’apprendre par la directrice de son école qu’au lendemain d’une opération de nettoyage où elle m’accompagnait, elle avait enrôlé deux de ses copines pour nettoyer la cour de l’école pendant la récréation ;-). Elle a contribué à mon arrêt du tabac avec une question : « Papa, pourquoi tu pollues ton corps alors que tu veux nettoyer la planète ? »

 Plus généralement, nous leur apprenons à avoir une alimentation la plus saine possible et à ne pas gâcher. Nous leur avons également inculqué le respect des animaux et nous boycottons ensemble les cirques d’animaux et les zoos.


Photo © ODYSSEUS 3.1

As-tu toi-même changé des choses dans ton quotidien ?

Je suis convaincu que l’Humanité n’aura pas d’autre choix que de changer son régime alimentaire si tout le monde souhaite… se nourrir.
J’ai personnellement changé mes habitudes. J’ai commencé par la base : faire mes courses au marché ou dans les magasins bios, privilégier les fruits et légumes de saison…

Le changement le plus flagrant, c’est sans doute la réduction drastique de ma consommation de viande et l’arrêt total de poissons. Me nourrir d’antibiotiques, très peu pour moi ! Et je ne parle pas de la condition animale… J’ai remplacé le lait de vache par du lait de riz, d’avoine ou de soja et je consomme plus de végétaux. Tout cela a aussi un côté fun avec la découverte en famille de nouveaux produits et de nouvelles recettes. Et nous impliquons nos filles autant que possible.
Mais de là à devenir totalement vegan…

« Le fromage est sacré pour le montagnard que je suis ! »


Photo © Marianne BRUN Membre Odysseus 3.1

Quels conseils donnerais-tu à la génération future ? 

« L’éducation est une arme de construction massive»

Comme je l’ai déjà dit, je crois beaucoup en l’humain. Le changement ne pourra venir que de nous et d’eux, plus encore ! Quand je les écoute, je suis parfois surpris par leur prise de conscience et je me mets à espérer qu’il y a une petite part de Greta Thunberg en chacun d’eux.

Que pourrais-je leur dire ? « Ne soyez pas des moutons ! Il est important de garder votre personnalité et de défendre vos idées. Ne subissez pas, dialoguez entre vous, avec nous, pour tenter de faire changer les choses ! »


Opération Sentinelle 109 Trottinettes
Photo © NatCordeaux

Je leur expliquerais également qu’il est bon de faire des conneries quand on est jeune, mais pas au détriment des autres et de la Nature ! Détruire ce qui nous entoure sous prétexte d’amuser la galerie – comme balancer des trottinettes dans les rivières et les fleuves – c’est juste indéfendable !

Racontes-nous Odysseus 3.1
Lionel RARD formation Plongée

Un soir, je suis tombé sur une vidéo de  massacre des globicéphales aux îles Féroé. Je me suis pris une claque monumentale qui m’a fait dévier de ma trajectoire. Et les seuls à s’opposer à ces tueries étaient les bénévoles d’une célèbre ONG avec des drapeaux de pirates ! 😉 J’ai lu alors tout ce que j’ai trouvé sur Paul Watson et ce fut le déclencheur, ma crise écologique de la quarantaine 😉
J’ai stoppé le tabac, repris le sport, enchaîné de nombreuses formations en plongée sous-marine. Dans ma tête, une version « Grand Bleu » de Rocky Balboa 😉

Même si j’étais proche de la Nature, même si j’avais des principes citoyens, je n’étais pas encore acteur… Je m’implique alors au sein d’associations qui œuvrent dans la protection de la Nature comme Longitude 181, Sea Shepherd, Cousteau Divers (…) chacune m’apportant une réflexion différente. J’y ai réalisé des rencontres fabuleuses et lié de solides et sincères amitiés. Mais pour être honnête, il me manquait quand même quelque chose : l’action quotidienne, immédiate et sa proximité ainsi que la pédagogie, la transmission. Très certainement mon côté fils d’enseignante 😉



Mes rencontres avec des figures emblématiques comme Yves Paccalet et Pierre Passot – qui sont à ce moment de leur vie à la transmission pour qui veut bien recevoir – m’ont également conforté dans l’idée que cette direction était la bonne. Accompagner les recherches de scientifiques comme Vincent Maran me donne également le sentiment d’accomplir un devoir.



À tout cela s’ajoute le fait que nous sommes dans une situation d’urgence.  Une situation que l’on peut traiter de plusieurs manières : la peur ou l’enthousiasme. Et je ne crois pas que la peur amène à prendre les bonnes décisions… Par contre, j’ai cette chance extraordinaire d’être entouré par une équipe qui partage pleinement cette envie d’agir avec le résultat comme seul objectif

« Les chemins qui tremblent ne vont pas loin »

Dans cette situation d’urgence, deux clans s’affrontent : celui de la vérité scientifique contre les forces des lobbyistes, et au milieu, la foule de spectateurs… Dans ce système tiraillé, j’ai créé Odysseus 3.1 en août 2018 avec l’objectif d’amener chacun à faire sa part et devenir en quelque sorte, le bras armé de la science, tant maltraitée, détournée au profit d’intérêts économiques…

« Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait»

Pour défendre la cause écologiste, certains membres d’Odysseus 3.1 sont prêts à se battre contre tous les moulins qu’ils croiseront, d’autres recherchent dans la science la solution en toute indépendance, certains transpirent toute leur sueur sur les expéditions, d’autres encore apportent la douceur de leurs mots tandis que les derniers enfin capturent leur amour de la nature sur des vidéos ou des photos.

Je considère que notre rencontre est une chance extraordinaire et une source quotidienne de motivation. C’est une véritable équipe qui s’est constituée comme une évidence, chacun·e mettant ses compétences au service de la Team Odysseus. Notre point commun ? L’envie de partager. C’est génial à vivre!

« Je crois à l’écologie « de l’action » pas à celle de salon »


Lionel RARD opération nettoyage

Et cette écologie là, elle s’adresse à tout le monde, sans aucune distinction d’âge, de couleur de peau, ni de sexe. Je trouve que l’humain est devenu « hors sol » dans le sens qu’il a perdu ses repères innés, ceux de la terre. Il s’est petit à petit déconnecté de son côté naturel. Il se doit de considérer la Nature comme un « bien commun ».

« Odysseus 3.1 nous permet de ramener la Nature dans la ville pour réapprendre à cohabiter avec elle »

Je suis souvent fasciné par ces gamins qui font « du parcours », vous savez, ces espèces de Yamakasi en mal de sensations fortes qui s’amusent avec audace du mobilier urbain et des contraintes de la ville. Pour moi, ils me rappellent les chamois se jouant des falaises abruptes de mes Alpes natales.

Lionel RARD fan de Goldorak
La question que tout le monde se pose : mais pourquoi avoir choisi ce nom Odysseus 3.1 ?!?

Hum… allons-y alors ! Je fais partie de cette génération qui a grandi dans les années 70 et 80, baignée par cette vague de super-héros comme le Capitaine Flam, Albator, Sankukaï… Leur point commun ? Tous devaient sauver un monde au bord du désastre. Alors j’ai trouvé qu’Ulysse 31 et son vaisseau l’Odysseus, cela faisait plus sérieux que Goldorak. 😉

Et puis pour le passionné d’histoire et de mythologie que je suis, il y a l’Odyssée d’Homère, ce sublime voyage, un éternel retour sur les eaux à bord d’un navire… Je crois qu’en chacun d’entre nous sommeille le super-héros de notre enfance.

Pour finir, tu pratiques la plongée, le ski… mais dans la bio d’Odysseus 3.1 on lit “exploration spatiale” … es-tu prêt à suivre un entraînement de cosmonaute ?

Oui ! Complètement ! D’ailleurs, plonger sous la glace au sommet des Alpes et notre manière à nous de nous rapprocher des étoiles ! 😉 Si jamais la possibilité m’était donnée, j’irais plonger dans un trou noir ! Mais pour le coup, la notion de voyage passe avant le but… Le voyage jusqu’à un lac, un glacier, une planète (…) est la  partie la plus importante du chemin.


Lionel RARD, Glacialis Merlet
Photo © Franck LEBRUN – Seaskymotion.com

« Car dans l’Aventure Odysseus 3.1, seul le Chemin compte, en fait… »

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